Afin de valoriser et mettre en synergie plusieurs unités de recherche SHS de l’université, les équipes ERLIS/ Identité et subjectivité ont proposé de créer, avec les autres équipes qui souhaiteront y participer, un programme de séminaires intitulé : « Les enjeux de l’écriture ».
De tout temps l’homme a écrit, même avant l’invention de l’écriture en tant que système graphique destiné à laisser les traces de son existence et de son histoire. Ainsi, l’homme comme être vivant s’est toujours situé, inscrit dans un lieu, dans un milieu qu’il a façonnés, agencés, aussi bien dans sa géographie que dans sa forme : les fouilles archéologiques sont là pour en témoigner, mais également les aménagements de l’espace au cours du temps dans la construction des implantations humaines ou dans les développements de ces mêmes espaces construits. L’homme laisse donc derrière lui des traces de son passage qui encore aujourd’hui s’appréhendent et s’interprètent au niveau de l’écriture : que ce soit du point de vue historique, archéologique, culturel, mémoriel, générique, voire numérique. Ce programme vise donc à bâtir une réflexion commune sur les enjeux de l’écriture dans ses diverses acceptions.
Les différentes manifestations, ponctuelles ou récurrentes, des équipes ERLIS et Identité et subjectivité ont déjà ouvert la voie à ce type de travail et, forts de ces expériences acquises, nous désirons ouvrir une large collaboration au sein de la MRSH.
Cette problématique peut être envisagée à partir de multiples points de vue :
Les différentes formes prises par l’inscription de l’homme dans son espace et son histoire (par exemple la construction du passé et l’écriture de l’histoire de la seconde guerre mondiale ; la reconstruction des villes normandes après les bombardements – reconstruction à l’identique ou nouvel aménagement de l’espace urbain) Il y a bien sûr la façon dont on écrit l’histoire. Les Écritures sont elles-mêmes un récit qui a une histoire. Donc un lien essentiel entre histoire et écriture. Il y aurait également dans ce domaine l’histoire de l’écriture elle-même qui est très importante.
Que découvre-t-on lors des fouilles archéologiques sur l’écriture des hommes à cette époque ? Écriture de soi et écriture de l’espace, rites d’inhumation, la sigillographie, etc. C’est aussi la question de l’écriture comme trace, avec la menace de disparition. Dans le même domaine il y a le lien de l’écriture et du sacré.
Un seul exemple ici suffira à faire comprendre les enjeux forts de l’écriture dans l’espace que sont les jardins, mais l’on peut également penser à l’écriture du/ sur le corps.
L’écriture autobiographique, sous ses différentes formes, participe à la construction de la subjectivité et à ses dimensions politiques. On peut aussi parler de récupération ou recréation de la mémoire avec les rééditions, traductions, l’imitation d’une historiographie antique. L’écriture peut également être appréhendée comme un acte d’existence, individuelle ou collective, notamment en ce qu’elle donne sens au passé, le conserve et permet aussi de rompre avec lui.
Depuis les travaux de Beauvoir en France ou de Butler aux États-Unis, il est clair que le sexe est de manière primordiale une question d’écriture de soi et de l’autre ; au-delà il y va également dans une perspective postcoloniale de la question des rapports entre métropole et colonisés.
Il s’agit d’une réflexion bien évidemment plus récente, mais qui se développe rapidement, ne serait-ce que dans les questions autour des Humanités numériques et des visual studies. La question du code devient alors primordiale : l’écriture n’est-elle qu’un code qui transmet des informations ? L’écriture numérique est-elle vraiment l’avenir de la culture ou son terme ?
L’écriture engage le lien du sens avec son inscription sensible ; elle peut figer le sens, comme le rendre disponible, réactualisable dans un champ commun. Elle conduit à penser l’historicité du sens et la fragilité du sens dans l’histoire. L’écriture est aussi liée à la question du style, à l’inscription du singulier. A partir de la main elle permet de s’interroger sur la place du corps dans la pensée. Ne peut-on pas opposer la manuscripture à l’écriture mécanique ? L’écriture comme acte du corps donne à interroger ce qu’on appelle « penser ».
Pour ce qui est du format de ce séminaire, nous avons décidé d’inviter à prendre la parole une personnalité d’un des champs des SHS afin de nourrir le débat autour des questions de l’écriture en retenant pour l’année 2019-2020 la problématique « Écriture et tradition » dans une perspective interdisciplinaire.